Toto et les parties de pêche.
38ème devoir de Lakevio du Goût s'inspirant du tableau d'Harold Harvey. "Je suppose que vous aurez quelque histoire à raconter à propos d'enfant, de jeu de billes ou simplement de campagne."
Toto était un cousin de notre grand-père maternel. Chaque année, pendant l'été, il débarquait de la ville voisine où il passait ses vacances chez son frère, vicaire général à la cathédrale de Tulle. Toto vivait à Paris et je ne sais pas quel pouvait être son prénom. Pour nous, il était simplement "Toto". Ces deux-là étaient évidemment les invités prestigieux (!) de la famille.
Il fallait bien se tenir quand l'ecclésiastique était à la maison. Nous y avions intérêt, mes frères et moi. Avec Toto, c'était différent. Nous éprouvions pour le personnage une sorte de fascination. Il jouait avec nous, racontait des blagues, riait fort et buvait sec. C'était la fête quand il venait chez nous : il nous emmenait à la pêche.
Après avoir bu le café suivi de la goutte, Pépé et Monseigneur faisaient une petite sieste sous le tilleul. Toto, toujours en short, posait sa chemise pour être plus à l'aise en marcel., prenait sa canne à pêche et se dirigeait vers la grande mare que nous avions dans le pré voisin. Nous le suivions avec l'espoir qu'il nous laisserait pêcher un moment.
Toto raffolait des cuisses de grenouille. Il attrapait les batraciens avec une dextérité qui nous laissait pantois. Et d'une, et de deux… Sa boîte en osier était vite pleine. Il faut dire que les grenouilles pullulaient dans cette mare, faisant un vacarme étourdissant. Juste, je tournais le dos et fermais les yeux et les oreilles quand le bonhomme assommait la bestiole sur la planche à laver de ma grand-mère. Cette dernière venait ici rincer le linge de la famille, l''eau y étant très claire parce qu' alimentée par une source.
Quand il avait son quota de grenouilles, Toto nous montrait comment les capturer. Nous nous disputions pour garder la canne le plus longtemps possible. Pour avoir la paix le cousin coupait un roseau pour chacun, y attachait un fil et au bout, nouait un morceau de chiffon jaune ou rouge. Ce n'était pas très efficace. De plus, nous n'étions pas très adroits et rarement, nous arrivions à nos fins mais cela nous amusait beaucoup. Quand nous parvenions à accrocher une grenouille, Toto l'ajoutait aux siennes ce qui comblait de fierté le pêcheur en herbe.
Pendant que nous nous escrimions à tenter notre chance, Toto dépouillait les bestioles. Il conservait les pattes et mettait de côté les restes pour la deuxième phase. Ce n'était pas très ragoûtant mais on pardonnait facilement à notre vieux cousin. On ne regardait pas et puis voilà.
Venait ensuite la seconde partie des occupations et pas la moindre car elle nous concernait davantage. Dans ce même pré coulait un ruisseau, plutôt une grosse rigole assez profonde. Là vivait une colonie d'écrevisses. Des vraies, pas des américaines. Toto déployait ses balances, y attachait des morceaux de grenouille et nous confiait les filets. Nous n'attendions pas longtemps. Les crustacés d'eau douce se précipitaient dans la nasse.
Quand elle était pleine, nous jetions la balance sur l'herbe et à quatre pattes, nous ramassions les bestioles en nous méfiant, leurs grosses pinces étant redoutables pour nos doigts d'enfant.
Nous revenions à la maison en fin d'après midi, heureux et fiers.Toto et Monseigneur repartaient à Tulle pour déguster leurs cuisses de grenouille pendant que nous nous régalions de notre pêche miraculeuse, la plus grosse part des écrevisses nous étant attribuée.
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