A Honfleur.
43ème de Lakevio du Goût. Qui est cette femme peinte par Hoper dans ce tableau intitulé 'Hôtel Room" ? Que fait-elle, si peu vêtue et assise, l'air peu intéressé par son livre ?
Quelle chaleur dans ce wagon bondé ! Les gens se ruent dans les trains pour profiter encore de quelques jours de congés payés en cette fin d'été. Malvina se déteste d'avoir choisi un pull et une jupe d'hiver pour son voyage. Il faisait très frais en ce matin d'août à Paris où elle réside temporairement chez des cousins français. Elle pensait qu'à Honfleur ce ne serait pas mieux.
Enfin, elle arrive sans encombre à l'hôtel situé sur les bords de Seine que des amis lui ont indiqué. Elle n'a pas pensé à réserver une chambre et doit se satisfaire de ce réduit minable. Il y a beaucoup de visiteurs aujourd'hui à Honfleur. Qu'importe : elle ne restera pas longtemps. Juste une nuit.
Elle pose son sac et sa valise sur un linoléum verdâtre et usé, se débarrasse vivement de ses chaussures, range son chapeau sur la commode miteuse, abandonne sur l'unique fauteuil son imperméable. Enfin, elle enlève avec soulagement, un à un ses vêtements qui lui collent à la peau. La jeune femme se précipite vers le lavabo dans le coin de la chambre pour s'asperger toute entière d'eau fraîche. Elle enrage de devoir se satisfaire d'une serviette minuscule pour ses ablutions. Décidément, cet hôtel la déçoit et la dégoûte. Tant pis, elle enroule tant bien que mal le linge rêche autour de ses reins. Pour enfin se détendre, elle s'assoit sur le lit qu'elle considère d'un air las : va-t-elle pouvoir déplier ses grandes jambes dans cette couche étroite et surtout de longueur restreinte ?
Comment occuper son temps jusqu'à 16 heures ? Elle s'approche de la fenêtre et constate qu'il pleut à verses. Un orage vient d'éclater et de grosses gouttes cinglent les vitres. Cela ne l'encourage pas à aller flâner. Du reste elle n'en a pas envie. Elle sort de son sac le dernier Maigret qui vient juste de paraître, intitulé : «Maigret et la vieille dame » Elle adore les romans policiers de son compatriote Georges Simenon. Des rumeurs courent sur cet auteur taxé d'antisémitisme et de collaboration. Malvina se montre circonspecte face à ces allégations : on raconte et on écrit tellement de choses depuis la fin de la guerre !
Cependant la jeune femme est songeuse et contemple le livre avec une certaine répulsion. Elle le referme soudain d'un geste sec. Elle regrette tout à coup son choix de lecture. Surtout aujourd'hui.
Malvina se rend cet après midi à la première commémoration de la libération d'Honfleur en août 1944. Son frère, sous-officier de la brigade Piron, a trouvé la mort lors des combats qui ont opposé l'armée belge à l'armée allemande dans cette ville . Aujourd'hui est jour de deuil pour Malvina.
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