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Escapades.
5 octobre 2020

Ouille, elles pincent !

51ème devoir de Lakevio du Goût.

Le Gout

"Méfiez-vous des pêcheurs Mesdemoiselles car il y a pêcheur et pécheur." Le Goût pense que nous avons des souvenirs à propos des uns ou des autres. Pour moi, ce sera des uns !  

 

 

Elles, ce sont les écrevisses. Je ne parlerai pas de celles que nous pêchions il y a peu dans les canaux de Charentes Maritimes. Des américaines débarquées chez nous peu importe comment. Elles m'ont fait regretter très souvent celles que nous attrapions, enfants, dans le ruisseau qui traversait nos prés. Celles-ci, les vraies, dites à pied blanc, avaient des pattes, des pinces, une queue bien garnies et une chair savoureuse. Les immigrées sont creuses et insipides. Malheureusement, elles envahissent et colonisent toutes les rivières et autres cours d'eau. C'est une autre histoire à caractère écologique.

J'ai déjà évoqué lors d'un précédent devoir l'ami Toto et les parties de pêche que mes frères et moi partagions avec lui. Ce que je n'ai pas dit : quand nous pressentions l'arrivée de Toto - qui avait lieu au mois d'août - et ses razzias sur notre poissonnaille, nous prenions les devants. Toto laissait une partie de son butin c'est vrai  mais pas assez à notre goût. Après tout, pensions-nous, les prés étaient à nous avec tout ce qu'ils contenaient en particulier ce qui se mangeait. Pas besoin de balance avec un appât – en l'occurrence les grenouilles dépouillées de leur cuisses (il adorait ça) qu'utilisait Toto – Nous attrapions les bestioles à la main. C'était plus simple et plus marrant.

Alors que nos vaches paissaient tranquillement, nos jeux se tenaient le plus souvent dans cette grosse rigole toute biscornue où coulait une eau pure et transparente. Mes frères s'activaient à fabriquer des petits moulins qu'ils posaient dans le courant ou bien à confectionner un barrage en amont. Quant-à moi, la plupart du temps, je lisais à l'ombre d'un arbre en bordure et à la fraîcheur du modeste ruisseau. Distraite par le ballet des demoiselles, je courais quelquefois après elles dont les chorégraphies silencieuses, aériennes et gracieuses m'attiraient. J'aimais leur nom : libellules. Il est lui-même un mouvement, un envol. Difficile de les saisir. D'ailleurs, c'est une déception : elles perdent leur élégance vues de près avec leurs gros yeux globuleux et leurs mandibules carnassières.

De temps en temps et surtout « avant Toto » nous passions aux choses sérieuses. Nous cherchions les endroits un peu plus profonds où se cachaient les crustacés qui sortent seulement la nuit en général. Nous nous placions à quatre pattes de chaque côté des berges. L'un des garçons soulevait ensuite une grosse pierre. Il fallait être très rapide car la bestiole avait tôt fait de rebrousser chemin à reculons pour regagner un trou dans le talus. Il importait aussi de l'attraper avec une certaine dextérité : bien la saisir derrière les pinces sinon gare à la vengeance de la prisonnière ! Si cela arrivait, nous poussions des cris de douleur et laissions prestement retomber la bête dans l'eau. Mais pas de souci : on savait y faire. Nous jetions alors la bestiole capturée dans l'herbe et j'étais souvent désignée pour la ramasser et la déposer dans un seau à bords hauts.

Nous étions fiers de ramener à la maison le produit de notre pêche. Quel régal, le soir de déguster les écrevisses avec une bonne mayonnaise préparée par Maman !

Nous n'avions pas peur des garde-pêche : ils ne venaient jamais par là troubler nos activités illicites.

Cependant, quelques années plus tard, ce fut une autre histoire.

Un 15 août, seul jour de l'année où pêcher les écrevisses autochtones était encore autorisé en Corrèze tellement elles devenaient rares – aujourd'hui, c'est interdit – nous avions décidé, après un bon repas en famille d'aller taquiner le crustacé afin d'assurer agréablement le souper. Un seul d'entre nous détenait un permis et bien sûr, tout le monde posait et relevait allégrement les balances quand a déboulé, venu de je ne sais où un représentant de la Loi. Nos hommes, que l'excès de rosé bien frais avait désinhibés tentèrent de s'imposer en entourant le garde-pêche d'une façon qui se voulait peu rassurante. Le bonhomme ne se laissa pas impressionner, isola le détenteur du permis, sortit un carnet de sa poche et lui colla une double amende, l'une pour manquement aux règles et l'autre pour insubordination.

Nous nous contentâmes, ce soir-là, en lieu et place d'écrevisses à la nage, d'une tranche de jambon et de salade. Nous évoquons encore aujourd'hui cette déconvenue qui nous amuse. Sauf bien entendu celui qui a dû débourser une belle somme qu'il n'a pas voulu partager avec tous les protagonistes malgré notre insistance.

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Commentaires
Y
Ne choisis pas des américaines alors ! ;-)
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F
Quand tout se passe bien, cela laisse finalement moins de souvenirs :)<br /> <br /> Tu me donnes envie de manger du poulet aux écrevisses.
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P
Jamais pêché, ni poisson, ni baleine, ni écrevisse. Honte sur moi : je ne savais même pas que les écrevisses vivaient en eau douce... Ton texte est très vivant !
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Y
Justement non bourlingueuse : il était responsable de ses balances. Et comme ces messieurs étaient un peu trop "allumés" il a préféré couper court. En plus, il avait juste l'identité du détenteur du permis.
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B
Explique : pourquoi est-ce celui qui avait le permis qui a payé l'amende ? C'était le seul à ête en règle avec la loi !
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Escapades.
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