Derrière le mur, une promesse.
73ème devoir de Lakevio du Goût. Si ce mur vous inspire... nous invite Monsieur le Goût.
Paul longe le mur qui sépare l'ancienne voie ferrée de la route. Il a perdu beaucoup de temps à courir la campagne avec ses copains depuis la sortie de l'école. Sa mère va s'inquiéter comme d'habitude. Il doit se dépêcher sinon elle va encore le gronder. Mais tant pis. Il a passé un bon moment. Comme il se lève de la selle de son vélo pour donner un vigoureux coup de pédale, des couinements soudain l'alertent. D'où proviennent-ils ? Le garçon s'immobilise, intrigué et tend l'oreille. Mais oui, il n'a pas rêvé. De faibles cris montent par delà la muraille.
Paul abandonne sa bicyclette sur le trottoir et pousse la porte de fer. Il s'arrête au bord des rails rouillés et tend l'oreille. Plus rien. Il s'apprête à sortir quand les mêmes petits bruits se font à nouveau entendre. Le local ayant servi de dépôt il y a longtemps aux agents de la SNCF. C'est bien de là qu'émanent les gémissements. Paul se fraye un chemin parmi les ronces et avance jusqu'à la ruine qui menace de s'effondrer. Il hésite un peu puis s'approche lentement du seuil.
Stupéfait, il découvre, blottie sur des chiffons et de vieilles couvertures une chienne noire efflanquée qui lève la tête et pose sur lui des yeux tristes. Puis, elle reporte son attention sur les chiots agrippés à ses mamelles. Ils se bousculent, se chevauchent cherchant instinctivement la meilleure place. Paul les observe, attendri. Il aimerait se pencher, les saisir pour les caresser mais la mère veille. Alors qu'il fait un pas en avant, elle se met à montrer les dents et à grogner. Elle bouge, dérangeant ses petits. Paul aperçoit alors ses tétines enflammées et se dit qu'elle doit souffrir.
Il a déjà vu cette chienne. Il se souvient bien sûr. Elle accompagnait un type qui a traîné au village quelques jours et qu'il ne voit plus. Il devait certainement loger dans la cabane. Comme la pauvre bête avait mis bas, il ne s'est pas embarrassé d'elle et l'a abandonnée là. Paul serre les poings et se demande comment on peut être aussi cruel.
Il se promet de revenir le soir même pour lui porter de la nourriture. Il trouvera bien un prétexte pour que sa mère consente à le laisser sortir. Surtout ne rien lui dire. Elle ne comprendrait pas. Il rentre chez lui à toute vitesse. Subrepticement, il met son goûter de côté – deux grosses tartines beurrées – et file à la cave prendre une bouteille de lait. Il fourre le tout dans son cartable et annonce qu'il va demander de l'aide à la voisine pour un devoir de maths. Il ne laisse pas le temps à sa mère de l'intercepter.
Paul grimpe sur son vélo et fonce en direction de la voie ferrée. Sans perdre de temps, il se dirige vers l'atelier SNCF, les vivres dans ses mains. Le garçon se fige. L'homme est là. Il est assis près de la chienne noire qui mange goulûment un morceau de viande. Il la caresse et lui parle doucement. Paul s'émeut du regard reconnaissant que l'animal adresse à son maître. Ils ne l'ont pas vu.
Il recule, pose sur une planche bien en évidence les tartines et le lait et part, soulagé en pensant que, non, le monde n'est pas complètement pourri, qu'il y a des gens qui aiment leurs animaux et en prennent soin. Il a aussi un peu honte d'avoir mal jugé le maître de la chienne.
Soudain une idée jaillit dans sa tête. Il va en parler à sa mère. Peut être qu'elle acceptera. Oh, si elle pouvait dire oui ! Demain. Demain il va tout lui raconter. Elle a bon cœur maman. Si elle est d'accord, demain il reviendra. Il osera demander un bébé au sdf. C'est sûr, il ne refusera pas. Paul lui donnera tous les sous de sa tirelire pour l'aider à nourrir sa chienne et sa portée.
Paul est fou de joie. Il décide d'appeler son nouveau compagnon Ami. Ce nom convient aussi bien pour un mâle que pour une femelle pense-t-il. Oui, Ami ce sera bien.
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