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Escapades.
15 novembre 2020

Manager

57ème devoir de Lakevio du Goût.

le gout

Cette Lydia qui resta une vingtaine d'années devant le regard de Matisse vous inspire-t-elle ? 

 

Enfin, une lettre me proposant un rendez-vous pour un entretien m'est parvenue la semaine passée.Je suis fou de joie malgré une appréhension qui va crescendo au fur et à mesure qu'approche la date de l'entrevue. Aussitôt je me suis mis à compulser tous les documents en ligne pouvant m'aider dans cette épreuve que j'espère et redoute à la fois. J'ai même foncé dans la librairie la plus proche pour me procurer fascicules et autres ouvrages délivrant des conseils dont j'ai bien besoin : je suis assez novice en la matière. J'étudie aussi attentivement les caractéristiques de la société dans laquelle je souhaite vivement m'investir. Mais cela m'est facile, l'une de mes amies travaille déjà chez S. et m'a donné tous les renseignements nécessaires pour une bonne connaissance de la boîte.

Lundi 16 décembre. Nous y sommes. Je me suis levé tôt. Il va sans dire que le sommeil m'a fui et la nuit a été longue mais enfin je suis assez en forme. Je fais tout mon possible pour être à mon avantage. Je crois que ça va aller finalement.

Un trajet d'une heure au volant de ma petite voiture. J'entre sur le parking que l'on m'a désigné . Tout y est net. Des massifs de fleurs et de verdure entourent chaque place destinée aux véhicules des collaborateurs. Je me gare et ne peux m'empêcher d'imaginer que peut-être...si la chance veut bien me sourire...

Une hôtesse d'accueil me conduit dans le bureau de la directrice des ressources humaines de chez S.« Vous êtes attendu Monsieur. Installez-vous. Je préviens Madame Lenoir de votre arrivée. »La porte se referme. Me voilà seul dans cette pièce très éclairée par de grandes fenêtres, à peine meublée, aux murs d'un blanc clinique qui me donne quelques frissons. Je regarde l'immense bureau recouvert d'une épaisse plaque de verre. Un ordinateur, un téléphone, un pot à crayons. C'est tout. Un fauteuil de cuir noir aux lignes épurées donne une note de couleur tranchante. Je relève rapidement la sobriété et l'ordre qui semblent prévaloir dans cette entreprise.

La porte derrière moi s'ouvre brusquement. Surpris, je me retourne et me lève derechef. Je suis immédiatement impressionné par l'acuité du regard qui se pose sur moi. Une femme maigre, de taille moyenne, à l'âge incertain me salut sans sourire. Elle s’asseoit en face de moi silencieusement. Je suis quelque peu décontenancé par son attitude assez impersonnelle. Machinalement je me redresse dans mon siège. J'attends. Je commence à avoir des fourmis dans les mains et dans les jambes. Ne pas s'affoler. Attendre calmement. La RH consulte mon CV sur son portable j'en suis sûr. Croiser les doigts pour que ça fonctionne.

Madame Lenoir est à l'image de sa boîte : stricte dans sa tenue et dans son comportement. Je l'observe discrètement pendant qu'elle se prépare. Elle porte un discret ensemble gris de bonne coupe et sous la veste qu'elle vient de poser, un chemisier lilas à col Claudine que je trouve désuet même si je ne connais pas grand chose aux diktats de la mode féminine.

Deux longues mains fines sans bijou se posent à plat sur le bureau. Madame Lenoir lève enfin la tête et me scrute longuement, franchement. Ne pas baisser les yeux devant ce regard bleu marine intense. Je remarque les lignes pures, presque austères de son visage, le nez droit, les sourcils bien dessinés, le front haut et intelligent. Sa chevelure blonde, au carré impeccable ne cherche pas à cacher des oreilles décollées. Madame Lenoir est à l'image de sa société : sans fioritures inutiles. Cela me convient et me rassure.

La petite bouche quelque peu pincée et maquillée– seul artifice marquant - de Madame Lenoir s'ouvre enfin pour me demander simplement de me présenter et de donner les arguments susceptibles de convenir au poste de conseiller commercial que je convoite. Elle ne me coupe pas la parole. Elle ne manifeste pas le moindre signe de lassitude ou d'intérêt particulier. Elle m'écoute attentivement. Impressionnante, Madame Lenoir ! Je m'attendais à des rafales de questions, à des coups tordus destinés à me déstabiliser. Mais non. Curieusement, je me sens à l'aise. Je parle tranquillement de l'intérêt que je porte à S. et j'ose, oui, j'ose dire que je suis fait pour la place vacante que j'ambitionne. Brusquement je m’interrompts, un peu confus de mon audace. Je considère, fébrile la RH.

En face de moi, le visage sévère de Madame Lenoir se déride soudain et dans un large sourire, elle dit : « vous êtes embauché Monsieur Dupont. »

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Commentaires
B
Je constate que le portrait de Lydia par Matisse ne fait pas l'unanimité...
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S
Que le feeling passe, c'est bien, mais la froideur de la Madame peut-être un couperet si tout ne suit pas. Méfiance…
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A
tant mieux, ça finit bien... et elle rit :-)
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A
L'important c'est d'avoir été embauché.<br /> <br /> Et à mon avis Madame Lenoir n'est pas la RH, mais la grande patronne !<br /> <br /> Autrement dit ce nouvel embauché n'est pas là de la revoir… si peut-être… pour lui signifier son licenciement d'ici quelque temps… avec la même froideur que l'embauche.
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H
C'est drôle, j'ai déjà lu plusieurs devoirs qui parlent de sa froideur.
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Escapades.
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