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Escapades.

8 avril 2024

Veillées d'enfance.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : jacquet.

 

Veillées d'enfance.

 

Je ne suis pas une adepte des jeux de table tels que les dames, l'oie, le jacquet dont je n'avais jamais entendu parler. En revanche, j'aime bien les jeux de cartes. Ils me rappellent mon enfance et les veillées d'hiver en famille, entre voisins ou amis.

 

C'était la fête le samedi soir. On invitait un ou deux couples du village pour partager la soirée ou bien on se rendait chez eux. Mais finalement, c'était un peu la routine pour moi, même si cela égayait la fin de semaine.

 

Je me rappelle surtout les visites chez un oncle et une tante qui habitaient à une douzaine de kms de la maison. Bien sûr, nous ne nous y rendions pas à pied. Mes parents ne possédant pas de voiture faisaient appel à notre ami Jean toujours prêt à rendre service.

 

Les préparatifs étaient déjà le début de l'aventure. Il fallait bien se couvrir car la vieille guimbarde de Jean était une bétaillère bâchée, ouverte à l'arrière qui servait à conduire les animaux à la foire. Jean posait une banquette défoncée à même les planches. Nous nous installions dessus, mes frères, ma sœur et moi, pelotonnés sous une couverture que maman avait pris soin de nous donner. C'était grisant de regarder défiler la route éclairée par la lune et les étoiles. Un peu mystérieux aussi. Nous n'aurions pas laissé notre place aux adultes pour un empire. Personne ne parlait mais nous étions tellement bien, là, la fratrie, tous ensemble ! On pouvait rêver voyages comme moi, se faire délicieusement peur ou bien simplement se laisser bercer par le ronronnement de la camionnette. Personne ne dormait. Il ne fallait pas en perdre une bribe .

 

Le trajet ne durait pas longtemps. Un grand feu dans le cantou – l'âtre – nous attendait chez nos oncle et tante. C'était agréable de se réfugier dans un coin bien chauffé. Tout le monde était heureux de se retrouver. Les adultes bavardaient, commentaient les nouvelles, assis sur les coffres en bois qui meublaient la grande cheminée. Nous, les enfants ne restions pas longtemps en place. Nous allions dans les chambres des cousins et cousines et les jeux pouvaient commencer. Nous, les filles comparions nos toilettes, échangions des secrets de filles, lisions. Les garçons chahutaient, jouaient à la guerre avec des soldats de plomb et ne manquaient pas de se battre à l'occasion.

 

Après les parlottes les adultes passaient aux choses sérieuses. Ils prenaient place autour de la table de la cuisine où était déjà posé le tapis vert et le jeu de cartes. S'en suivaient des parties de belotte ou de manille coinchée très animées. Maman, qui n'aimait pas perdre bougonnait pour la forme. L'oncle Louis, un peu farceur, faussait quelquefois le jeu et les femmes, maman et tante Ida qui faisaient équipe contre les hommes, menaçaient de jeter les cartes. On riait beaucoup. J'adorais suivre le jeu. L'ami Jean somnolait devant les flammes et sursautait aux éclats de voix, ce qui nous amusait bien entendu.

 

Les heures passaient très vite dans cette ambiance chaleureuse. Tante Ida donnait le signal. On rangeait les cartes. Personne n'aurait laissé partir ses invités sans les nourrir. C'était impensable et cela prolongeait la soirée de façon festive. La grosse tourte de pain de campagne était mise sur la table avec des charcuteries diverses et du fromage, le tout maison. S'en suivait un énorme clafoutis aux cerises. On buvait du vin ou du cidre et de l'eau légèrement colorée pour les enfants. Un bon casse croûte apprécié par petits et grands.

 

Après une tisane bien chaude, on reprenait la route pour la maison. L'excitation tombait et nous nous écroulions sur la mauvaise banquette, à l'arrière de la fourgonnette de Jean, recrus de fatigue. Il fallait nous secouer à l'arrivée et se mettre au lit s'avérait difficile.

 

Que de merveilleux souvenirs je garde de ces moments où les échanges étaient empreints d'amitié, d'affection. Tout n'était pas rose bien sûr et il s'en faut mais au moins les liens qui nous unissaient étaient tellement importants que l'on savait pouvoir compter les uns sur les autres sans la moindre faille. Les veillées d'hiver étaient une véritable institution que tout le monde appréciait dans les campagnes corréziennes et sûrement ailleurs. Que sont-elles devenues ?

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28 mars 2024

Liberté.

 

Pour le Défi du Samedi. Le mot : héroïne.

 

 

Je n'ai qu'une héroïne : la liberté.

 

"Selon moi, devant le grand idéal de liberté et de justice, il n'y a point de différence d'hommes et de femmes ; à chacun son œuvre. Ce n'est pas pour conquérir des privilèges que nous devons nous réunir, car, des privilèges, nous n'en avons pas besoin. Nous allons à la conquête du monde avec ses richesses multipliées par la science et le travail, avec pour horizons la liberté sans limites. 

 

Le vieux monde craque de toutes parts : à Rome, en Russie, il montre ses pourritures. Pour arriver nous tous, hommes et femmes, à instaurer la cité nouvelle de lumière et de bonheur, nous avons à vaincre l'ignorance et la misère qui rendent mauvais. C'est nous, qui savons, qui sommes des criminels si, en égoïstes, nous gardons pour nous-mêmes nos connaissances. On manque d'enthousiasme : il ne suffit pas de savoir, il faut vouloir et agir. 

 

On s'est défié des femmes, qui sont pourtant une grande force. La femme est un terrain facile à cultiver, c'est un compagnon et non un esclave. C'est à la femme d'essayer de faire des hommes. Qu'elle n'ait plus rien de caché, qu'elle renonce aux puérilités et aux petites ruses qui sont une marque de faiblesse ; qu'elle aille comme l'homme à visage découvert ; elle sera heureuse. Il faut que la femme refuse de se prostituer plus longtemps d'âme lorsque ce n'est pas de corps. Elle-même doit être l'artisan de son émancipation. Que la femme refuse de demeurer l'être inférieur que la vieille société a prétendu faire d'elle à perpétuité !"

 

Des fervents de la liberté, comme Paul Eluard et son poème qui me serre le cœur quand je le récite, comme Aretha Franklin, qui la célèbre en chantant – et bien d'autres - Louise Michel, cette étonnante femme, s'est engagée dans la lutte, le poing levé, au nom de la liberté. Elle a pris la plume aussi pour lui manifester son attachement immense. Je n'aurais pas su exprimer ce que je ressens pour ce mot et sa symbolique, tellement ils ont  d'importance pour moi. C'est pourquoi j'ai choisi ce petit bout de texte écrit par Louise Michel en septembre 1904 et qui est toujours tellement actuel. Quand je vois les femmes iraniennes et leur courage pour exister, seulement exister, je pense à Louise Michel. Pourquoi elle spécialement je ne saurais le dire. Mais cette femme a toujours incarné pour moi la figure de la liberté.

 

"Puisqu'il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n'a droit aujourd'hui qu'à un peu de plomb, j'en réclame ma part, moi."

18 mars 2024

Ronchonchon au tribunal.

Pour le Défi du Samedi. Le mot de la semaine : greffier.

 

Ronchonchon au tribunal.

 

Tout aurait dû rentrer dans l'ordre dans la basse-cour de Nana après la mésaventure de cette pauvre Monette. C'était sans compter sur la rancune de Bruno. On a vu que ce couard de coq n'a pas eu le courage d'approcher Ronchonchon. Mais procédurier comme pas un, il a décidé de porter plainte contre le cochon. Malgré les excuses maintes fois réitérées par le goret auprès de la poulette et de son mec, Bruno n'en a pas démordu et a chargé comme d'habitude Folœil de porter à Ronchonchon une convocation pour le tribunal.

 

C'est le grand jour. Tout le monde est réuni sous l'arbre à palabres, en l'occurrence un gros tilleul, pour assister au procès. Bruno et ses poules ont pris les premières places. Il ne faut pas oublier que Monette est la principale victime, Mado le témoin de la scène et Bruno le plaignant bien entendu.

Ils seront donc appelés à la barre.

 

Ronchonchon semble perdu dans le box des accusés. Oreilles baissées, queue peu glorieusement glissée entre les pattes, il attend. Il a perdu ses belles couleurs rose-bonbon. Son groin n'en paraît que plus rouge. Je soupçonne qu'il a mis du remontant dans sa pâtée pour se donner du cran. Ou bien qu'il a sniffé quelque produit illicite. Le voici peut être cocaÏné. On doit s'attendre à tout en ce moment. Bref le cochon fait moins le p'tit fanfaron.

 

Le silence s'établit peu à peu. Pour la représenter lors de cette affaire hors norme, la basse-cour a nommé à l'unanimité ses représentants comme suit :

- l'oie Blanche, présidente.

- le baudet Hanne, juge. Ça va de soi.

- le chat Gégé, le greffier. Là également ça va de soi.

 

Un petit mot sur le greffier, enfin, le chat. Gégé est un chat très intelligent, doté d'une intelligence sans artifice. En réalité, il se nomme Gépété. Personne ne s'avise de l'appeler ainsi sous peine de représailles sévères notamment d'être griffé jusqu'au sang. Il maudit sa génitrice pour l'avoir affublé d'un nom pareil, qui, à une lettre près, ressemble à celui de cet imbécile de rital déconnecté de la réalité. A savoir Gepeto.

 

L'audience ne dure guère plus de quelques minutes et le verdict tombe rapidement, chacun ayant hâte de retourner à ses occupations habituelles. Blanche ne pense qu'à aller cancaner avec sa compagne dans un coin. Hane, masseur à ses heures, rêve de tripoter les porcelets de Simone et de Ronchonchon sous prétexte qu'ils sont trop gras et que cela nuit à leur bon développement. Gégé est obnubilé par cette souris Free Moose qui danse avec indécence devant lui quand elle l'aperçoit. Il ne peut s'empêcher de la chercher partout dans l'herbe et dans l'air.

 

Après un court délibéré, voici la sentence : le prévenu Ronchonchon devra glander pendant 15 jours. Le cochon ouvre grand ses yeux et ses oreilles. Il n'y croit pas. Il se retient de justesse d'exploser de joie. Glander. Mais c'est le rêve ! Trop chouette ! Il va pouvoir profiter de la vie.Mais Blanche veille au grain. Elle a compris la méprise du goret et d'un ton très docte, explique qu'en fait, il est privé de pâtée durant une quinzaine. Pour se nourrir, il devra chercher sa pitance sous les chênes dans le bois près de la ferme. Il peut s'estimer heureux souligne-t-elle. Au Moyen Age, il aurait été pendu et brûlé comme la truie de Falaise en Normandie devant une grande assemblée de ses congénères pour montrer l'exemple.

9 mars 2024

Dans la basse-cour de Nana.

Pour le Défi du Samedi. Le mot à introduire dans le texte : frimousse.

 

Dans la basse-cour de Nana.

 

 

C'est le désordre et l'affolement ce soir dans la basse-cour de Nana. Ronchonchon, saoul comme un cochon a entraîné Monette, la poulette, au fond de son antre où se sont réunis tous ses potes. Le croirez-vous ? Il a confondu la frimousse de Simone, sa copine en titre avec celle de Monette . Tout ça parce qu'il est beurré et n'a pas fait le distinguo entre les poils roses et soyeux de Simone et les plumes joliment rosées au bord des ailes de Monette. Il faut bien avouer que Nana a parfois de drôles d'idées : aller peindre le bout des ailes de sa poulette en rose ! Mais on ne lui en voudra pas. Les gens qui voient la vie en rose, on les aime. Bon. Simone ou Monette pour un Ronchonchon qui n'a pas les yeux en face des trous c'est du pareil au même. Et puis Monette c'est un diminutif de Simone non ?

 

Et voilà Ronchonchon qui braille à qui mieux mieux devant le poulailler :

Viens poupoule, viens 

Je t'emmène où ?

Dans ma caban'bambou.

Je crois bien que la blanche oiselle le suit de bon gré. Ah c'est flatteur d'être choisie par un cochon aussi célèbre ! Elle ne sait pas ce qui l'attend là-bas dans la porcherie.

 

La sœur jumelle de Monette, Mado n'a rien perdu de la scène. Elle est outrée d'avoir été délaissée par Ronchonchon. Il faut dire qu'elles sont en tout point identiques. Le plumage, lisse et brillant, blanc comme neige. Un coquet petit chapeau rouge en guise de crête, l'œil rond et vif . Si Monette a le bout des ailes ourlé de rose, c'est de bleu que se pare celui de Mado. Qu'est ce qu'elle a de plus que moi cette mijaurée  se dit la jalouse. Je vais lui voler dans les plumes – s'il lui en reste - quand elle va rentrer. Et toi mon cochon tu vas me le payer.

 

Mado se presse vers le tas de fumier où trône, fier comme un coq, l'orgueilleux Bruno, le mari de ces dames. Quelle allure ce Bruno ! Le plumage noir de jais. La tête ornée d’attributs énormes et rouge sang qui se gonflent d'arrogance. Il croit dur comme fer que pas une poule de son harem ne lui résiste. Il ignore qu'elles s'accordent à le trouver prétentieux et le regardent par en dessous quand il déambule devant elles en se pavanant .

  • Vite, vite, chéri. Il faut faire quelque chose. Monette est partie .

  • Comment çà ? s'étrangle Bruno. Elle est allée où ? Roussin l'a prise ?

  • Non. Ce n'est pas le renard. C'est Ronchonchon. Ce salaud de  Ronchonchon saoul comme un cochon.

  • Quoi quoi quoi ?

  • Et en plus, elle a abandonné les œufs qu'elle couve.

Bruno claironne. Bruno s'époumone.

  • Venez tous. Il faut ramener Monette. Ronchonchon l'a emportée. Toi, Folœil, fonce et va prévenir le malotru que j'arrive. Toi, Coupelette, va sur le nid et garde le au chaud. Les autres avec moi ! Il faut sauver Monette.

Ben voyons pense Folœil il vaut mieux que ce soit moi qui prenne. Quel froussard ce Bruno ! Le cochon ne m'aime guère. Il va m'arriver malheur. Mais je vais y aller. Je suis courageux moi. Je ne suis pas une poule mouillée. Je vais sortir Monette du groin de Ronchonchon.

 

Folœil est un maigre coquelet aux plumes mordorées, souffre douleur de Bruno. Le malheureux gringalet a eu un accident de poussette quand il était poussin et en a gardé une coquetterie dans l'œil. Il est tellement harcelé par Bruno qu'il reste tout chétif. Coupelette est une bonne petite poule au cou entièrement nu qui fait un travail remarquable. Un œuf frais tous les jours. En brave petit soldat elle court s'installer sur le couvoir.

 

Tout ce tintamare a alerté notre amie Nana. Elle a abandonné crochet et pelote de laine et s'est précipitée dans sa basse-cour. Connaissant son Ronchonchon comme si elle l'avait fait, elle fonce vers son étable. Quelle gabegie ! Le cochon et ses copains s'envoient en l'air avec Monette. Je veux dire : ils font des passes avec la poulette. Oh oh s'exclame Nana on n'est pas sur un terrain de foot ici ! Elle attrape le goret par sa queue en tire-bouchon et le suspend au plafond. Quant aux autres, ils déguerpissent fissa. Ah mais quoi gronde Nana c'est bien la peine que je me décarcasse à fabriquer ces animaux là.

4 mars 2024

Barbichet et autres coiffes.

Pour le Défi du Samedi. Le mot à  inclure dans le texte : épilation.

 

Barbichet et autres coiffes.

 

S'il est un poil pour lequel l'épilation n'a pas lieu d'être c'est bien le cheveu. Même traité selon les modes du moment : coupé, rasé, teint ... on ne l'arrache pas. A moins d'être dans la déconfiture ou le mal être comme les gens atteints de trichotillomanie.

 

Je vais m'attacher à parler du cheveu et du barbichet. Par ma barbe Walrus sera content puisque on retrouve du poil dans mon appellation. Cette célèbre parure - car vraiment c'en est une - et très belle - ne se porte aujourd'hui que pour les manifestations folkloriques limousines. Rendons à César... : son nom en langue d'oil nous vient il paraît de la Flandre. A preuve qu'en Limousin nous ne rechignons pas à adopter des mots venus d'ailleurs quand ils nous plaisent.

 

Dans les campagnes, les grands-mères ne seraient jamais sorties « en cheveux». Bonnets à brides nouées sous le menton, mouchoirs de tête à larges carreaux, pailholes faites de paille tressée et ornées d'un ruban de velours noir portées par les très pauvres et les veuves – sans ruban dans ce cas - foulards, couvraient leur tête les jours ordinaires. Plus tard, elle remplaceront ces couvre-chef par des chapeaux. Les dimanches et jours de fête elles arboraient, pour les plus aisées, la coiffe blanche reçue pour leurs noces, le barbichet. Il est formé de trois parties : le basin en mousseline pour le chignon, un nœud de satin à la base du basin terminé par deux longs rubans qui tombent dans le dos et enfin les barbes – d'où son nom – deux larges bandes bordées de dentelle sur tulle parant les côtés du visage. Bien sûr toutes ces pièces assemblées et amidonnées sont richement brodées.

 

Si j'évoque ici le barbichet c'est que les femmes, jusqu'aux années 1900 et même après, cachaient ce qui faisait parfois leur beauté : leurs cheveux. Il était inconvenant et même quasiment infamant de laisser dépasser le moindre poil. Impensable d'aller tête, bras et jambes nues lors de sorties. Et les sorties étaient souvent dominicales et commençaient par l'église et la messe du dimanche. Ce qui m'intriguait étant gamine était de voir les femmes entrer la tête couverte et les hommes ôter leurs chapeaux ou bérets dès le porche. Va comprendre Charles les doctrines religieuses ! Surtout quand elles qualifient d'érotique la chevelure féminine.

 

Les cheveux pour la femme étaient d'une grande importance. Leur seule richesse parfois. On imagine aisément la mortification de celle qui devait se découvrir dans une foire pour que le marchand soupèse et évalue sa chevelure qu'il coupait ensuite sans ménagement. Vendre ses cheveux : à la fois une nécessité et une honte. Aujourd'hui tout cela est possible sans poser de problèmes particuliers. Les professionnels en font des perruques ou des extensions capillaires profitant à certains malades dont les traitements condamnent la chevelure.

 

La chevelure, emblème de féminité. Combien de femmes ont été tondues en public et exhibées après la guerre au moment des règlements de compte ? Il fallait les atteindre dans ce qui était supposé leur pouvoir de séduction. Cette punition à connotation sexuelle dans une société misogyne, était infligée sous les quolibets, les injures et les crachats. Les justiciers – qui parfois n'étaient eux-mêmes pas sans tache, se faisaient un devoir sadique d'humilier ces femmes qui avaient collaboré avec l'ennemi, sans procès, juste après des dénonciations justifiées ou non.

 

Les coiffes figuraient l'identité sociale et régionale. Avec la disparition progressive de la ruralité et l'apparition, facilitée par plus d'échanges, des modes internationales, ces symboles d'appartenance à un terroir se meurent et relèvent de nos jours uniquement du folklore.

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28 février 2024

Saint Valentin.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : croque en bouche.

 

Saint Valentin.

 

Paul s'est réveillé tôt et tout guilleret. Après une toilette minutieuse il a choisi dans la commode de sa chambre sa plus belle chemise, celle que son épouse Julia lui a offert pour son anniversaire l'an dernier. Il a complété sa tenue en harmonisant les couleurs de son pantalon et de sa veste. Julia n'aime vraiment pas que « ça jure » comme elle dit en faisant une grimace de désaveu quand il lui arrive de ne pas faire très attention. Aujourd'hui, ce n'est pas le moment de la décevoir .

Comme tous les jours depuis qu'il est en retraite Paul sort pour marcher un peu. Il a besoin de prendre l'air. Et puis il rencontre fréquemment des anciens collègues de travail et c'est bien d'évoquer les années passées ensemble, avec leurs bons moments, en buvant un café.

Ce matin il ne s'attardera pas.

Il a planifié sa journée et même pris quelques notes pour ne rien oublier. Il faut que tout soit prêt et parfait quand Julia rentrera du collège où elle enseigne l'anglais. De temps en temps, il fouille dans sa poche pour s'assurer qu'il n'a pas perdu la liste de ses courses. Non. Tout va bien.

Paul sourit en se remémorant ce 14 février 1972. Il n'oubliera jamais. C'était une journée comme celle d'aujourd'hui. Douce et ensoleillée. Il allait à un rendez vous d'affaire. Devant lui, dans la rue, se pressait une femme qui attira son attention. Il n'apercevait d'elle que sa silhouette élancée. Elle était vêtue d'un court manteau bleu marine laissant voir ses longues jambes gainées de noir. Elle avançait rapidement sur des chaussures à talons plats. Dans sa course, de la masse de ses cheveux blonds ramenés en chignon sur la nuque, s'échappaient des mèches folles. C'était tellement émouvant se souvient Paul. Il aurait voulu la dépasser, inventer n'importe quoi pour l'accoster. Elle s'arrêta devant le collège et il se rendit chez son client.

Il pensa à elle toute la journée en cherchant un moyen pour l'aborder. Le hasard fait parfois bien les choses. Il n'eut pas à attendre. Le soir même, alors qu'il partageait un apéritif avec des amis, elle entra dans le bar avec une autre jeune fille. Elle était merveilleusement belle. Paul n'hésita pas une seconde et sans réfléchir, se rapprocha des deux femmes. Ce fut le début de leur longue histoire d'amour.

Il sort le « pense bête » de sa poche. D'abord passer chez le fleuriste pour acheter des roses rouges comme d'habitude. Un chiffre impair bien sûr. Puis aller chez le poissonnier. Il ne sait pas du tout cuisiner mais des spaghettis aux fruits de mer, ça il sait le faire et Julia adore. Cette année, pour leur cinquante ans de mariage, - ils se sont mariés le 14 février 1974 - il a commandé un croque en bouche chez le pâtissier. Les noces d'or, ça se fête et dignement. Ne pas oublier de mettre une bouteille de champagne au frais. Important !

A la maison, il s'affaire dans la salle à manger, étale une jolie nappe blanche – la préférée de Julia – sur la table, dispose les assiettes en porcelaine de Limoges, les verres en cristal et, une fois n'est pas coutume, il va sortir les couverts en argent de leur boîte. Quelques bougies donneront plus d'intimité à leur tête à tête en amoureux. Il complète par le joli vase contenant les fleurs. Un dernier regard : c'est parfait.

Il regarde la pendule. Bientôt 18 heures. Julia va rentrer. Soudain il se met à trembler. Il s'effondre dans un fauteuil et éclate en sanglots. Il prend sur la cheminée le portrait de sa femme, ce portrait qu'il aime. Il l'embrasse avec désespoir. Julia ne rentrera pas . Julia est partie. Julia est morte il y a trois mois. A quoi bon faire semblant ? A quoi bon tout cela ? Paul ferme la porte et se rend au cimetière avec le bouquet de roses rouges.

19 février 2024

Saint Valentin.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : croque en bouche.

 

Saint Valentin.

 

Paul s'est réveillé tôt et tout guilleret. Après une toilette minutieuse il a choisi dans la commode de sa chambre sa plus belle chemise, celle que son épouse Julia lui a offert pour son anniversaire l'an dernier. Il a complété sa tenue en harmonisant les couleurs de son pantalon et de sa veste. Julia n'aime vraiment pas que « ça jure » comme elle dit en faisant une grimace de désaveu quand il lui arrive de ne pas faire très attention. Aujourd'hui, ce n'est pas le moment de la décevoir .

Comme tous les jours depuis qu'il est en retraite Paul sort pour marcher un peu. Il a besoin de prendre l'air. Et puis il rencontre fréquemment des anciens collègues de travail et c'est bien d'évoquer les années passées ensemble, avec leurs bons moments, en buvant un café.

Ce matin il ne s'attardera pas.

Il a planifié sa journée et même pris quelques notes pour ne rien oublier. Il faut que tout soit prêt et parfait quand Julia rentrera du collège où elle enseigne l'anglais. De temps en temps, il fouille dans sa poche pour s'assurer qu'il n'a pas perdu la liste de ses courses. Non. Tout va bien.

Paul sourit en se remémorant ce 14 février 1972. Il n'oubliera jamais. C'était une journée comme celle d'aujourd'hui. Douce et ensoleillée. Il allait à un rendez vous d'affaire. Devant lui, dans la rue, se pressait une femme qui attira son attention. Il n'apercevait d'elle que sa silhouette élancée. Elle était vêtue d'un court manteau bleu marine laissant voir ses longues jambes gainées de noir. Elle avançait rapidement sur des chaussures à talons plats. Dans sa course, de la masse de ses cheveux blonds ramenés en chignon sur la nuque, s'échappaient des mèches folles. C'était tellement émouvant se souvient Paul. Il aurait voulu la dépasser, inventer n'importe quoi pour l'accoster. Elle s'arrêta devant le collège et il se rendit chez son client.

Il pensa à elle toute la journée en cherchant un moyen pour l'aborder. Le hasard fait parfois bien les choses. Il n'eut pas à attendre. Le soir même, alors qu'il partageait un apéritif avec des amis, elle entra dans le bar avec une autre jeune fille. Elle était merveilleusement belle. Paul n'hésita pas une seconde et sans réfléchir, se rapprocha des deux femmes. Ce fut le début de leur longue histoire d'amour.

Il sort le « pense bête » de sa poche. D'abord passer chez le fleuriste pour acheter des roses rouges comme d'habitude. Un chiffre impair bien sûr. Puis aller chez le poissonnier. Il ne sait pas du tout cuisiner mais des spaghettis aux fruits de mer, ça il sait le faire et Julia adore. Cette année, pour leur cinquante ans de mariage, - ils se sont mariés le 14 février 1974 - il a commandé un croque en bouche chez le pâtissier. Les noces d'or, ça se fête et dignement. Ne pas oublier de mettre une bouteille de champagne au frais. Important !

A la maison, il s'affaire dans la salle à manger, étale une jolie nappe blanche – la préférée de Julia – sur la table, dispose les assiettes en porcelaine de Limoges, les verres en cristal et, une fois n'est pas coutume, il va sortir les couverts en argent de leur boîte. Quelques bougies donneront plus d'intimité à leur tête à tête en amoureux. Il complète par le joli vase contenant les fleurs. Un dernier regard : c'est parfait.

Il regarde la pendule. Bientôt 18 heures. Julia va rentrer. Soudain il se met à trembler. Il s'effondre dans un fauteuil et éclate en sanglots. Il prend sur la cheminée le portrait de sa femme, ce portrait qu'il aime. Il l'embrasse avec désespoir. Julia ne rentrera pas . Julia est partie. Julia est morte il y a trois mois. A quoi bon faire semblant ? A quoi bon tout cela ? Paul ferme la porte et se rend au cimetière avec le bouquet de roses rouges.

12 février 2024

Par les chemins creux.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : balbutiement.

 

Par les chemins creux.

 

Quelle belle journée !

Je viens de déambuler pendant plus de deux heures sur les sentiers de mes Saulières. Après des semaines de pluie et de boue il est quand même plus agréable de marcher sur des chemins asséchés.

Je longe le vieux prieuré qu'ici on appelle le château sans doute parce qu'il appartient depuis longtemps à une famille bourgeoise. Mais moi je n'oublie pas son histoire et les moines qui l'habitèrent. Son emplacement avait été judicieusement choisi à l'écart de toute vie humaine, au milieu des pins sylvestres, des chênes et des châtaigniers. Il domine une colline dont les contours se couvrent de bruyère mauve en été le rendant d'une beauté surprenante dans sa sobriété. Ses siècles de présence discrète, cette solennité qu'il conserve m'émeuvent et m'intriguent. Et m'inspirent aussi.

Je rejoins ma souche cachée dans les buissons en bordure du bois. Elle est moins prestigieuse que les murs antiques du prieuré mais elle est essentielle pour moi. Voilà quelques années, je l'ai sauvée d'une mort certaine en la faisant rouler du haut du taillis où elle pourrissait, figée, jusqu'au bord du chemin où elle a séché et entamé une seconde vie. Depuis, elle m'attend tranquillement et je ne manque jamais de m'y poser pour un temps plus ou moins long . Je m'installe dans le creux du rondin tiédi par le soleil de cet après midi. Maintenant, reposée, j'écoute, je regarde, je respire dans un silence qui incite à la contemplation. Je sors de mon sac mon carnet et mon stylo pour y transcrire mes émotions.

Tout au long de ma balade j'ai pu éprouver d'imperceptibles changements dans l'air. Voilà les balbutiements du printemps. Des indices subtils le révèlent par petites touches. La Nature, indifférente et laborieuse, œuvre en catimini à sa survivance. Le ciel se pare en mosaïque de légers nuages blancs qui dévoilent à leur guise des pans de bleu couleur dragée. Le soleil, encore un peu pâle mais taquin a décidé de me faire de l'œil à travers les branchages. Au loin, le petit ruisseau jase. Il a abandonné sa grosse voix des jours de pluie. Même les parfums ont changé. L'odeur de putréfaction, intense jusque là, s'amoindrit pour laisser place à des senteurs plus nuancées de verdure et de renouveau. Tout près, dans le buisson qui me dissimule un peu, une goutte de rosée s'attarde, chamarrée de couleurs changeantes. Des toiles d'araignée scintillent et se balancent mollement sur un arbrisseau prisonnier d'une clématite sauvage. On voit poindre, très timidement, un soupçon de bourgeon sur l'attachant parasite.

Sans rompre ce charme paisible, les oiseaux trillent avec vigueur et harmonie. Amusée, j'observe le manège de deux mésanges charbonnières, vives et colorées, allant et venant sans cesse d'un arbre à l'autre. Sans doute le couple s'est déjà formé. J'aurais bien voulu assister à la parade nuptiale du mâle mais il est visiblement trop tard. Je pense qu'ils cherchent fébrilement le meilleur endroit pour construire un nid douillet et sûr pour leurs oisillonsJe sais, tout là haut, pour l'avoir aperçu quelques fois un écureuil dans le creux du châtaignier qui me fait face. Il n'a pas encore vraiment quitté son logis où il termine ses provisions d'hiver. Bientôt il va sortir de sa léthargie pour s'accoupler et se reproduire comme tout ce qui vit ici.

Dans le pré minuscule, de l'autre côté du chemin , l'herbe pousse, drue et d'un vert cru. Les fleurs de pissenlit s'épanouissent, souveraines, tandis qu'à leurs pieds les fragiles pâquerettes étoilent, leur corolles blanches luttant par leur nombre contre le jaune lumineux des dents de lion qui les dominent. Curieuse et simple rivalité des fleurs.

Ce n'est pas ma saison préférée cependant je quitte à regret ma vieille amie la souche, le cœur plein d'allégresse. Je laisse le printemps semer de jour en jour et de façon plus éclatante ses rêves d'espérance et d'amour dans cette Nature qui le reçoit pour une union féconde et immuable.

9 février 2024

Ma marotte.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : addiction.

 

Ma marotte.

 

Une addiction ? Non. Je ne vois pas en ce qui me concerne. C'est vrai j'ai fumé des cigarettes pendant une bonne vingtaine d'années. Avec un peu de mal quand même, j'ai arrêté. Je ne bois pas. Enfin très raisonnablement. Je ne me drogue pas non plus. Les écrans ? Bof ! Juste ce qu'il faut c'est à dire pour faire des recherches, écrire, gérer mes photos. Pas du tout accro à « face de bouc «  ni à aucun autre réseau social. Le téléphone ? Toujours au fond de mon sac. Je réponds si je le déniche à temps ou bien je rappelle mon correspondant plus tard.

Alors Yvanne si tu n'es pas addict à quoi que ce soit – oh que c'est bien ma chère ! - que vas-tu trouver à dire aux défiants du samedi ? C'est ce que je me suis demandé. Et j'ai trouvé . Ma petite manie, car il s'agit plutôt de cela, n'a rien de dangereux ni de répréhensible. Voilà : je ramasse des cailloux. J'ai toujours fait ça. On dit que ce sont les enfants qui les accumulent. Comme le Petit Poucet. Je n'ai donc pas grandi. Mais qui n'a pas gardé en lui une part d'enfance ? Si vous ne comprenez pas alors jetez moi la première pierre.

Je ne peux pas m'empêcher de ramener de mes balades, de mes visites, de mes voyages , du minéral. Je suis attirée par les formes, les couleurs, l'originalité. Chez moi il y en a partout. Dans la maison : surtout au sous sol. Dans la cour et le jardin : à divers endroits où ils ne risquent pas de gêner mon époux. Parce que si je trouve que se remplir les poches, le sac à dos chaque fois que je me déplace c'est juste une fantaisie sans gravité – mais qui me fait plaisir - mon mari, lui, pense tout autrement et me gratifie d'un regard qui en dit long quand il me voit vider mes trésors. D'ailleurs il me menace régulièrement de creuser un trou et d'enterrer tout ça. Horreur !

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Vous ne trouvez pas que ce serait dommage de rendre ces belles trouvailles – et ce n'est qu'une petite partie de ma collection – à la terre ? Moi si.

27 janvier 2024

Drôle de paroissien.

Pour le Défi du Samedi n° 803. Le mot : zigoto.

Drôle de paroissien .

 

C'est fou quand même de voir comment on vous traite quand vous avez passé l'arme à gauche. J'avais pourtant dit et redit : ni fleurs, ni couronnes, ni plaques. Les couronnes, ce n'est plus la mode. Heureusement . Qu'est ce que c'était vilain ces perles aux couleurs vite délavées qui finissaient par tomber des cercles en métal rouillé et traînaient sur les tombes ! Quand j'étais gamin, les copines les grappillaient sans vergogne pour se fabriquer des bracelets et des colliers. Remarquez les fleurs artificielles ce n'est pas mieux . Quelle horreur ! Les fleurs naturelles, bon. Passe encore si on les enlève une fois fanées. Mais j'ai toujours détesté les cimetières après les fêtes de la Toussaint quand tout le monde a eu tôt fait d'oublier ses chers disparus. Lamentable et déprimant. C'est bien pour ça que je ne voulais rien de tout ça. Je connais la musique. Et voilà que je suis entouré de gerbes, de bouquets. Jo, ma femme a choisi des lys. Je vous demande un peu : des lys ! Elle n'a pas réfléchi une seule seconde que leur odeur pouvait m'indisposer. Non. Jo n'a jamais beaucoup réfléchi mais là ça dépasse les bornes.

Sinon, je ne suis pas mal dans cette chambre des pompes funèbres. Bien tranquille. Plus de soucis et j'en avais des soucis. Je suis confortablement installé, les fesses au frais alors que les autres suffoquent dans cette pièce minuscule. Une lumière tamisée baigne de douceur mon cercueil en bois verni aux poignées rutilantes. Bon choix de Jo. Elle n'a pas opté pour du haut de gamme mais comme je vais cramer ça n'a pas grande importance. Elle n'a pas pris le plus vilain non plus. Quoi, il faut tenir son rang tout de même. Il y a la cérémonie à l'église et tout ce monde – ici, les enterrements c'est une distraction comme une autre et puis s'il y a un frichti par la suite c'est toujours ça – qui va faire le tour de ma boîte d'un air contrit en regardant bien comment on vous honore . Ou pas. L'église, je n'en voulais pas mais ça Jo y tenait : on est pas des chiens tout de même !

Je suis passé de vie à trépas avec bonheur si je puis dire. Je n'en suis pas encore revenu. Pensez : une petite crise cardiaque et vlan vous voilà parti ailleurs. Enfin, ailleurs, je suis encore un peu là jusqu'à demain. Et j'assiste à des choses mais des choses ...! Incroyables. Par exemple, ce matin ma belle-sœur – la sœur de Jo – et son mari m'ont rendu visite. Elle s'est carrément jetée sur moi, faisant trembler ma carcasse refroidie en pleurnichant : « oh mon pauvre Gilou ! C'est bien trop tôt, bien trop tôt. Tu vas tellement nous manquer. » Hypocrite. Menteuse. Tu n'as jamais pu me blairer et ton mec, là, ce drôle de zigoto imbu de sa personne qui m'a toujours snobé parce que j'étais un manuel et lui, Môssieur, un intello. Je t'en foutrais. Heureusement il ne s'est pas approché. Je crois bien que je lui aurais foutu mon poing sur la gueule. Bon, peut être pas mais c'est sûr, j'aurais bougé sur ma couche, tout raide que je suis.

Ah et puis il y a eu le vieux curé tout à l'heure. Celui que j'ai toujours connu. Il a bien 90 ans et porte encore la soutane. Pourquoi, mais pourquoi Jo lui a demandé de venir ici ? Imaginez un peu : il a déballé son matériel et brandi son goupillon au-dessus de ma tête en m'aspergeant d'eau bénite et en récitant ses patenôtres. Quand je dis » aspergé » je suis modeste. Inondé oui. Je pense qu'il voulait me rappeler les fonds baptismaux. Le début et la fin quoi. L'eau de vie et l'eau de mort. C'est marrant ça ! Lui, en tout cas, je peux dire qu'il préfère la première. J'ai été son enfant de chœur, je sais de quoi je parle. A la sacristie, il y avait la bonbonne cachée dans les chasubles. Constamment regarnie. Il m'a traité de « drôle de paroissien » en guise d'éloge funèbre cet enfoiré. Parce que je ne prêchais pas pour sa chapelle pardi.

Et ce n'est pas tout. Certains de mes clients – j'étais plombier – ont la décence de juste signer le cahier de condoléances. Sans entrer. Heureux car il y a foule. Je devais être considéré et ça fait plaisir. Mais voilà que mon ancien associé a eu le culot de se présenter, la mine triste - mais ça, c'est habituel - avec une plaque. Et vous savez ce qu'il a eu le toupet de faire inscrire dessus ? Je vous le donne en mille : «  à mon cher Gilles en souvenir de nos années de labeur et d'amitié » Un ami qui m'a dépouillé, a fait capoter notre société. C'est à cause de lui si j'ai eu cette attaque fatale. Je suis vert. Non non pas encore mais je veux dire vert de rage. Sur sa foutue plaque il a fait poser deux mains, la sienne et la mienne sans doute, qui se rejoignent sur un robinet coincé dans une clé à molette. Le tout en céramique ou je ne sais quoi. Du très bon goût je vous jure. Cette nuit, quand tout le monde aura vidé les lieux je vais m'arranger pour la faire disparaître. Ah ça non ! Je ne veux pas de ce machin sur ma tombe. Payé avec mes sous en plus.

Allez Gilou t'agace pas je me dis. Cool ! Prépare ton repos éternel. T'es mort.

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Escapades.
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