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Escapades.
7 mars 2023

Au fil de l'eau.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : noctuelle.

 

Au fil de l'eau.

 

Gamine, à l'école primaire de mon village, je fouillais dans la modeste bibliothèque à la découverte de romans ou d'ouvrages se rapportant à l'histoire de ma région. Cela me tenait à cœur étant profondément enracinée à mon lieu de naissance. C'est ainsi que j'ai appris que les Gaulois qui peuplaient ma Corrèze natale et au-delà tout le Limousin à qui ils ont laissé leur nom, se nommaient les Lémovices. J'avais des ancêtres riches et puissants. Il n'en fallait pas plus pour enflammer mon imagination et chercher par tous les moyens à connaître ce que fut leur existence.

Oui, ils étaient riches comme en témoigne le site de Tintignac, tout près de chez moi où d'importantes découvertes d'objets mythiques et uniques dans le monde ont été mises à jour. J'ai déjà évoqué ici Tintignac, haut lieu de commerce et de culte. D'où venaient leur richesse ? De mines d'or qui étaient multiples sur le territoire. On estime que les Lémovices ont extrait entre 80 et 160 tonnes d'or ici. Il se trouve que l'une de ces mines était proche d'un ruisseau courant dans un pré de mes parents.

Pendant que mes vaches paissaient tranquillement sous la garde vigilante de Carlette, ma chienne, je parcourais la rivière aux multiples méandres en quêtedu précieux métal. J'étais orpailleuse sans matériel aucun. Simplement, je scrutais attentivement le fond de l'eau transparente, prenais à poignée un petit tas de gravier que j'examinais un à un et rejetais ensuite. Mais ceci en vain. Tout ce qui y brillait hélas n'était pas d'or. Juste quelques petites feuilles de mica dit « or de chat » assez abondantes et scintillantes pour me faire croire un instant que j'avais trouvé le graal. Déçue, j'abandonnais ma prospection pour m'intéresser à des choses moins utopiques et tout aussi passionnantes dont je ne me lassais jamais.

Rêver en regardant glisser l'eau sur les galets colorés et polis, façonnés par des siècles d'érosion. S’abîmer dans la contemplation de la rivière qui chante et danse, libre et pressée. Imaginer sa course interrompue quand elle rencontre l'océan qui l'engloutit. Respirer à pleins poumons son odeur si particulière d'humidité mêlée du parfum des herbes qui s'y inclinent et aussi celle que l'on perçoit et que l'on n'oublie jamais de la truite qui s'y abrite.

Se pencher pour admirer la lente progression de l'écrevisse autochtone, à la carapace d'un beau vert bronze qui file en reculant si on tend la main, pour se cacher dans les replis de la berge en bougeant avec frénésie ses antennes sensorielles. S'émerveiller du vol souple et combien délicat d'un papillon qui batifole d'une feuille à l'autre. Ces papillons dits « de jour » aux couleurs chatoyantes, exubérantes même, je jouais à les poursuivre mais ils m'échappaient sans cesse. Rien à voir avec leurs cousines les noctuelles qui vivaient dans les aulnes. Ces insectes lourdauds, ternes et trapus qui, au crépuscule se manifestaient et parfois s'abattaient de façon inopinée sur votre tête. Ceux-là personne ne les aimait car leurs chenilles étaient la terreur des jardiniers de la famille.

Apprendre les dures lois de la Nature quand brusquement surgissait la libellule aux ailes de dentelle et au corps vitrail mordoré ou bleu métal qui fondait sur l'insouciant papillon pour le dévorer en vol. Mais le prédateur de la demoiselle filiforme n'était jamais très loin et à son tour, le bec acéré et victorieux d'un martin-pêcheur criard ou d'une vive hirondelle emportait pour son festin l'élégante éphémère.

Je ne trouvais pas d'or mais qu'importe, j'étais riche des beautés de la Nature. Je me nourrissais de la vie qui palpitait autour de moi et, étourdie de soleil, de silence, de sérénité j'allais m'asseoir à l'ombre des aulnes. Je lisais tranquillement jusqu'à ce que mes bêtes me rappellent à l'ordre pour m'inciter à revenir à la ferme : c'était l'heure de la traite. Je quittais à regret mon petit paradis mais je savais que le lendemain ou plus tard je reviendrai profiter de son calme et surtout de ma solitude, source de ma liberté, propice aussi à l'éveil de mes sens et de mes émotions enfantines et adolescentes

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