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Escapades.
19 février 2024

Saint Valentin.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : croque en bouche.

 

Saint Valentin.

 

Paul s'est réveillé tôt et tout guilleret. Après une toilette minutieuse il a choisi dans la commode de sa chambre sa plus belle chemise, celle que son épouse Julia lui a offert pour son anniversaire l'an dernier. Il a complété sa tenue en harmonisant les couleurs de son pantalon et de sa veste. Julia n'aime vraiment pas que « ça jure » comme elle dit en faisant une grimace de désaveu quand il lui arrive de ne pas faire très attention. Aujourd'hui, ce n'est pas le moment de la décevoir .

Comme tous les jours depuis qu'il est en retraite Paul sort pour marcher un peu. Il a besoin de prendre l'air. Et puis il rencontre fréquemment des anciens collègues de travail et c'est bien d'évoquer les années passées ensemble, avec leurs bons moments, en buvant un café.

Ce matin il ne s'attardera pas.

Il a planifié sa journée et même pris quelques notes pour ne rien oublier. Il faut que tout soit prêt et parfait quand Julia rentrera du collège où elle enseigne l'anglais. De temps en temps, il fouille dans sa poche pour s'assurer qu'il n'a pas perdu la liste de ses courses. Non. Tout va bien.

Paul sourit en se remémorant ce 14 février 1972. Il n'oubliera jamais. C'était une journée comme celle d'aujourd'hui. Douce et ensoleillée. Il allait à un rendez vous d'affaire. Devant lui, dans la rue, se pressait une femme qui attira son attention. Il n'apercevait d'elle que sa silhouette élancée. Elle était vêtue d'un court manteau bleu marine laissant voir ses longues jambes gainées de noir. Elle avançait rapidement sur des chaussures à talons plats. Dans sa course, de la masse de ses cheveux blonds ramenés en chignon sur la nuque, s'échappaient des mèches folles. C'était tellement émouvant se souvient Paul. Il aurait voulu la dépasser, inventer n'importe quoi pour l'accoster. Elle s'arrêta devant le collège et il se rendit chez son client.

Il pensa à elle toute la journée en cherchant un moyen pour l'aborder. Le hasard fait parfois bien les choses. Il n'eut pas à attendre. Le soir même, alors qu'il partageait un apéritif avec des amis, elle entra dans le bar avec une autre jeune fille. Elle était merveilleusement belle. Paul n'hésita pas une seconde et sans réfléchir, se rapprocha des deux femmes. Ce fut le début de leur longue histoire d'amour.

Il sort le « pense bête » de sa poche. D'abord passer chez le fleuriste pour acheter des roses rouges comme d'habitude. Un chiffre impair bien sûr. Puis aller chez le poissonnier. Il ne sait pas du tout cuisiner mais des spaghettis aux fruits de mer, ça il sait le faire et Julia adore. Cette année, pour leur cinquante ans de mariage, - ils se sont mariés le 14 février 1974 - il a commandé un croque en bouche chez le pâtissier. Les noces d'or, ça se fête et dignement. Ne pas oublier de mettre une bouteille de champagne au frais. Important !

A la maison, il s'affaire dans la salle à manger, étale une jolie nappe blanche – la préférée de Julia – sur la table, dispose les assiettes en porcelaine de Limoges, les verres en cristal et, une fois n'est pas coutume, il va sortir les couverts en argent de leur boîte. Quelques bougies donneront plus d'intimité à leur tête à tête en amoureux. Il complète par le joli vase contenant les fleurs. Un dernier regard : c'est parfait.

Il regarde la pendule. Bientôt 18 heures. Julia va rentrer. Soudain il se met à trembler. Il s'effondre dans un fauteuil et éclate en sanglots. Il prend sur la cheminée le portrait de sa femme, ce portrait qu'il aime. Il l'embrasse avec désespoir. Julia ne rentrera pas . Julia est partie. Julia est morte il y a trois mois. A quoi bon faire semblant ? A quoi bon tout cela ? Paul ferme la porte et se rend au cimetière avec le bouquet de roses rouges.

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Commentaires
J
Oh, je ne m'attendais pas à cette fin...C'est trop triste..72, c'est l'année où nous nous sommes mariés, mon mari et moi...Les fleurs, c'est pas son truc à mon mari, même s'il aime en mettre dans le jardin. Si je devais mourir avant lui, pas sûr qu'il fleurisse ma tombe.. Par contre, mon mari a un frère, qui va tous les jours au cimetière parler à sa femme, lui apporte souvent des fleurs, lui parle...Même qu'il dit qu'il ne peut pas s'éloigner d'elle de quelques km, n'est plus jamais sorti de sa commune depuis 4 ou 5 ans....Même pendant le Covid, il est allé la voir, n'en avait cure des autorisations de sortie (ce truc de sortie était abominable)....La St Valentin, effectivement est bien triste pour les gens devenus veufs (ves)...Je me demandais quelle allait être la chute, je pensais à une séparation, mais pas celle-là....Bonne journée quand même....
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Escapades.
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