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Escapades.
13 avril 2020

Violette et fleur de pissenlit.

34ème devoir de Lakevio du Goût.   Dites quelque chose à propos de ce printemps magnifique dans une ville déserte. Une histoire qui commencerait par cette première phrase : " l'air était moins étouffant..." et qui se terminerait par cette dernière phrase : " Malheureusement, je ne crois pas...."

 

 

34 le gout

Violette et fleur de pissenlit.

 

L’air était moins étouffant que la veille et j’ai même cru sentir la caresse d’une brise, en marchant sous les arcades, jusqu’à la place de la Concorde.

J'ai regardé ma montre. Il me restait encore une demi heure avant de regagner mon petit appartement. Je n'allais pas poursuivre plus loin au risque de me faire arrêter par la police. Même si la solitude me pesait un peu plus que de coutume, je comprenais bien la nécessité de rester cloîtrée pour éviter le risque. Les hôpitaux étaient déjà surchargés de malades et le personnel soignant à bout de force. Inutile d'en rajouter avec ma vieille carcasse.

J'entendais les vindictes de certains criant au scandale et vociférant « on porte atteinte à ma liberté. » Je trouvais ces propos déplacés et d'un égoïsme extrême. Je l'aimais aussi la liberté. Ma liberté de penser et d'agir. J'avais toute ma vie lutté pour elle, sacrifié ma carrière pour elle. Les petits chefs n'aiment pas qu'on leur tienne tête. Et je l'ai fait, consciente toujours que j'allais payer le prix fort. Ce qui n'a pas manqué de se produire. Bah, c'est du passé et je ne regrette rien. Mais qu'on ne me parle pas, en ces moments extraordinaires, de privation de liberté. C'est hors de propos et totalement indécent.

Ces réflexions s'agitaient dans ma tête, me faisant avancer plus vite. Cependant, ma mauvaise jambe commençait déjà à demander grâce. J'avisai un banc désert en face du kiosque à journaux et décidai de m'y asseoir quelques minutes. Je posai ma canne près de moi et ouvris mon sac. J'avais glissé l'indispensable attestation dans les pages du livre que je lisais en ce moment.

Je m'apprêtais à reprendre ma lecture où je l'avais arrêtée la veille quand il me sembla percevoir des chuchotements près de moi. Je me retournai vivement. Personne. Pourtant je ne rêvais pas. On parlait, là, tout près. Je me penchai et distinguai une jolie fleur de pissenlit dont les pétales jaunes d'or frémissaient. Pas de doute possible. Les murmures provenaient d'elle. Je me penchai davantage songeant au bourdonnement d'une abeille se régalant de son nectar.

Aucun insecte dans le cœur de la fleur. Je me levai et m'accroupis devant le banc. Je vis alors une minuscule violette qui tentait de s'abriter sous les feuilles géantes pour elle du pissenlit. J'écoutai attentivement, les voix étaient bien celles du pissenlit et de la violette en pleine conversation. Je vous rapporte exactement ce que j'ai entendu :

- Ne te gêne pas gamine. Prends donc tes aises. Ce n'est pas si souvent que toi et moi pouvons nous épanouir tranquillement sous ce banc.

  • Merci, merci . Tu sais, d'habitude je reste confinée près du socle en métal de ce siège. J'ai si peur des milliers de pieds qui s'agitent au-dessus de ma tête. Mais il me glace, ce socle. J'ai tellement froid...Dis-moi, tu as drôlement grandi toi et ta fleur monte, monte. Tu ne crains pas qu'on te la prenne ?

  • Tu vois bien que personne ne s'arrête plus ici. Il doit se passer quelque chose de grave chez les humains. Même plus de chiens pour se soulager sur moi. Alors, tu penses, j'en profite.

  • Si seulement cela pouvait durer toujours soupirait la violette. Qu'est-ce que nous serions heureuses toi et moi !

  • Écoute. Ne rêvons pas. Ces diables d'hommes détruisent tout. Ils devraient être contents que quelques fleurettes osent encore affronter le béton pour leur plaire. Au lieu de cela, ils nous ignorent, préférant regarder cette chose qu'ils collent à leurs oreilles ou devant leur bouche. Est-ce que ça sent bon au moins, cette chose ?

  • Euh...Tu n'es pas très parfumée...

  • Peu importe. Puisque tu t'abrites chez moi, tu consentiras bien à me céder un peu de ton parfum n'est-ce pas ? Et moi, je suis un soleil et je te réchaufferai de mes rayons en échange.

  • Cela s'appelle la solidarité et la bonne entente. Et puis, peut être que plus tard, nous aurons d'autres voisines. J'aimerais bien des pâquerettes tout près de moi. Nous pourrons peut être aussi, grâce aux oiseaux qui emporteront nos graines dans leur bec, aller vivre de l'autre côté de ce pont. Tu n'aimerais pas prendre des vacances ?

  • Tu sais ma douce, ne te berce pas trop d'illusions. Je crains que rien ne change. Ici ou ailleurs, nous serons toujours des incomprises, condamnées à nous cacher pour vivre. Et pour cela, malheureusement je ne crois pas qu'il suffise de traverser la Seine.

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Commentaires
P
Je ne savais pas qu'il fallait prendre l'expression "le langage des fleurs" au pied de la lettre, mais quand la lettre est bonne, on aurait tort de s'en priver ! Très original, bravo.
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F
Je vais être plus attentive, lorsque le soleil reviendra, pour écouter si mes tulipes parlent aux pissenlits :) pour elles le confinement leur aura permis d'échapper à la cueillette par ma puce ! Et franchement cela me manque...
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H
La nature est présente à Paris mais en ce moment , elle est sous cloche, puisque les Parisiens ne veulent pas comprendre.
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Y
La nature ne te parle pas à toi ? Dommage ! Il est vrai qu'à Paris c'est un peu difficile. ;-)
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L
Hé bé...<br /> <br /> J'aurais peur, moi, si j'entendais les fleurs papoter.<br /> <br /> Mais bon, elles nous donnent une idée de la façon dont on devrait profiter de la vie au lieu d'esquinter tout ce qu'on approche sous prétexte d'en augmenter la productivité..
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Escapades.
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