Le collier de perles.
35 ème devoir de Lakevio du Goût. S'inspirer de la photo de Gueorgui Pinkhassov et commencer son texte avec cette citation d'Oscar Wilde " discerner la beauté d'une chose est le grand raffinement que l'on puisse atteindre." Terminer avec ces vers d'Agrippa d'Aubigné : " mon penser est bizarre et mon âme insensée qui fait présente encor' une chose passée."
Le collier de perles.
« Discerner la beauté d'une chose est le plus grand raffinement que l'on puisse atteindre »
Nous avions adopté, elle et moi cette maxime d'Oscar Wilde. Nous pensions tous les deux que la beauté dans la Nature, puis dans les arts, qu'ils concernent la peinture, la musique, la danse etc...étaient l'essence même de la vie. Ceci nous unissait au-delà de tout. Nous ne cherchions pas la beauté, elle s'imposait à nous comme un petit miracle. J'aimais surtout la sculpture que j'exerçais avec passion sans toutefois que cela soit mon métier. Elle appréciait principalement la littérature.
Ce jour d'avril, nous étions invités au vernissage de l'exposition d'un ami sculpteur. J'étais heureux de lui présenter Jacques que j'avais rencontré bien des années auparavant lors d'un stage artistique de perfectionnement. J'estimais beaucoup cet homme discret talentueux que j'avais perdu de vue.
Elle, d'habitude, si empressée à visiter tous les salons, se montra curieusement réticente. Elle se disait fatiguée, de mauvaise humeur. J'insistai beaucoup et elle finit par céder à mes arguments. J'étais déjà prêt, impatient à l'idée de croiser certains artistes de ma connaissance. Je la regardais se préparer avec soin. Après un léger maquillage, elle revêtit cette robe noire, au décolleté profond qu'elle portait avec une grâce infinie. Elle se rendit ensuite dans notre chambre et ouvrit la porte du dressing attenant.
Elle cherchait fébrilement dans des cartons jamais défaits depuis qu'elle partageait ma vie et mon appartement. Quand elle réapparut je remarquai à son cou un collier de perles que je n'avais jamais vu. Ce bijou sublimait sa peau nue et la nacre donnait à son cou des reflets irisés. Il frôlait la naissance de ses seins que j'eus, dans une fulgurance impérieuse, envie de caresser. Qu'elle était belle ! Je l'embrassai tendrement, la félicitai pour son bon goût et nous partîmes.
Une foule de conviés et de visiteurs se pressait autour de Jacques. Je pris ma compagne par la main et nous réussîmes à nous faufiler jusqu'à la célébrité du jour. J'allais lui présenter mon amie quand je vis soudain Jacques se raidir et changer de couleur. Elle se tourna vers moi en rougissant, ne sachant que dire. Jacques fixait d'un air incrédule le collier de perles. Une foule de questions se pressait dans ma tête. Ces deux-là se connaissaient, assurément. Pourquoi ne m'avait-elle rien dit ? Et cette parure à son cou semblait un lien entre eux à n'en pas douter.
A partir de ce jour, elle devint de plus en plus distante et nous perdîmes cette complicité qui faisait de notre couple un modèle que beaucoup de gens enviaient. Je savais qu'elle voyait Jacques de temps en temps, elle ne me le cachait pas. Je me voilais la face en pensant qu'il n'y avait pas de mal à ça. J'allai même jusqu'à l'inviter chez nous en évitant soigneusement de m'avouer que c'était pour mieux les surveiller. Puis la chaîne qui nous unissait se brisa. Elle me quitta, emportant avec elle l'amour et ma vie.
Je plongeai alors dans une nuit oppressante dont je ne sors pas. Je changeai de lieu de résidence et de travail croyant à l'éloignement pour me délivrer. Ils m'avaient fait trop de mal, elle surtout. Je songe encore très souvent à ce collier maudit, ce serpent mordant sa peau et mon cœur.
Bien des années se sont écoulées et je n'arrive pas à oublier. « Mon penser est bizarre et mon âme insensée qui fait présente encor' une chose passée. »
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