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Escapades.
20 avril 2023

Pâques d'antan.

Pour le Défi du Samedi. Le mot : trophée.

 

Pâques d'antan.

 

En ce matin ensoleillé de Pâques une joyeuse envolée de cloches réveille le village de Beyssac.  Angèle sourit. Elle pense à elle, petite fille, qui surveillait, mine de rien, le ciel pour voir si les cloches au retour de Rome regagnaient bien leur clocher. Elle trouvait cela bizarre mais on lui avait assuré que l'Angélus ne sonnait plus parce que les campanes étaient en voyage au Vatican durant la fin de la semaine sainte. Elles revenaient le jour de Pâques. Elles ramenaient avec elles le printemps, la fête parce que le Christ était ressuscité et annonçaient une journée particulière où tout le monde était heureux. Pour Angèle, religieux et profane se mêlaient étroitement et naturellement.

Évidemment ses parents respectaient les rites de la semaine sainte qui commençait le jour de Rameaux. Chacun se rendait à la messe avec son bouquet de buis afin de le faire bénir par le prêtre. Il représentait l'olivier de l’évangile, gage de foi et d'espérance. Oh les parfums dans cette église : verdure, fleurs, sucreries, encens ! Angèle les perçoit encore. Tout avait un air de renouveau.

On accrochait ensuite une petite branche de buis sur les différents crucifix de la maison familiale, une aussi à la porte des étables et écuries. On n'oubliait pas ses morts et les tombes également étaient parées de buis béni. On en gardait un peu pour un deuil éventuel que l'on conservait discrètement dans une armoire. Il était d'usage d'en jeter un brin dans l'âtre pour éloigner la foudre de la maison les jours d'orage.

Quel bonheur ce jour de Rameaux pour Angèle et ses frères ! Maman avait acheté des papillotes, divers bonbons aux emballages colorés qu'elle accrochait à leurs beaux branchages bien ronds choisis spécialement dans son jardin par leur grand-père. Celui d'Angèle portait aussi de jolis rubans roses et blancs. Mais elle n'oubliera jamais les cornues à deux pointes, dorées et parfumées à la fleur d'oranger que préparait adroitement sa grand-mère. Elles étaient destinées à garnir les rameaux. Maman plantait la tige de bois au milieu de leur chair rebondie ce qui exacerbait les délicieuses senteurs sucrées des brioches.

On avait beau saliver, passer les doigts subrepticement sur les gâteaux et les lécher en cachette pendant la cérémonie, on tenait bon. Pas question de toucher aux friandises avant la fin de l'office. Angèle se revoit, brandissant très haut comme un trophée sa ramure de buis lors de la bénédiction. Il arrivait à ce moment précis que tombent des gâteries mal attachées. On les ramassait prestement et les fourrait dans sa bouche ni vu ni connu.

Il est une autre coutume ancienne liée à ces fêtes qu'Angèle aimait beaucoup. Celle des « cacarous » - des œufs. Dans la nuit du vendredi au samedi des jeunes gens du village venaient chanter devant les maisons une étrange mélopée évoquant la Passion de Jésus. C'était lugubre et donnait des frissons à la petite fille qui se pelotonnait dans son lit. Mais bien vite les chants, accompagnés à la vielle et l'accordéon devenaient joyeux. Ses grands-parents, restés debout, ouvraient aux « Réveillés » qui s'engouffraient dans la vaste cuisine où les attendaient du vin chaud et une panière d'œufs. Angèle se levait alors pour profiter de la soirée. Elle adorait et enviait un peu cette bande de gais lurons toujours prêts pour la bamboche. Ils feraient plus tard une énorme omelette qu'ils dégusteraient tous ensemble.

Angèle est vieille aujourd'hui. Il y a deux jours cependant elle a veillé une partie de la nuit pour ne pas manquer « les Réveillés ». La tradition, un peu perdue jusqu'ici a été reprise cette année par quelques jeunes sensibles aux rites du passé. Angèle a pleuré en ouvrant sa porte. Elle a offert le vin chaud parfumé à la cannelle qui attendait sur un coin de sa cuisinière à bois. Elle a chanté et bu un peu. Elle a embrassé, très émue chacun de ses visiteurs. Puis elle les a regardés avec un peu de nostalgie s'enfoncer dans la nuit pour aller psalmodier leur complainte dans d'autres villages et recueillir des œufs par dizaine.

Les cloches carillonnent encore. Angèle se prépare pour la grand'messe. Elle étrenne un joli manteau tout neuf pour se rendre à l'église. Elle respecte la tradition de sa mère qui, chaque année pour les fêtes de Pâques, faisait confectionner par la couturière du village un vêtement pour tous les membres de la famille. Elle se dit, un peu tristement, que c'est peut être la dernière fois qu'elle honore ces coutumes venues du fond des âges et qu'elle a toujours aimées.

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Commentaires
J
J'aime beaucoup ta façon de raconter le passé...Je m'y reconnais souvent...Tiens, comme l'histoire des cloches parties à Rome et qui revenaient le jour de Pâques. J'y ai cru et j'adorais ça...Je l'ai fait aussi croire à mes enfants qui ont aussi aimé ça...Il ne fallait surtout pas oublier d'aller à l'église le jour des rameaux effectivement...Nous avions un buis superbe (bizarre, lui qui a duré des dizaines d'années a fini par mourir..pyrale du buis, dans un si petit village et dans une maison isolée !!!...Ma mère en mettait partout, dans toutes les écuries, aussi sur les tombes, dans les armoires..Par contre, pas de tradition des jeunes venant chercher des oeufs pour leur omelette....Je me souviens par contre du chant de Mai...J'ai presque honte "que je dis, juste pour me dédouaner", parce que ma mère n'aimerait pas qu'on ne mette plus de rameau sur sa tombe et que je ne vais plus à la messe, ni des Rameaux, ni de Pâques, pourtant, j'ai 3 églises ou chapelle à quelques mn de notre appartement..Je pense que ma belle-soeur doit continuer à mettre des rameaux sur les tombes...<br /> <br /> Merci de raconter ces jolies traditions...Angèle, ce n'est pas toi par hasard ? <br /> <br /> ps : je me souviens aussi des vêtements tout neufs qu'on mettait à Pâques...et dire que la semaine, on était habillé "comme l'as de pique", là, ma mère s'en fichait...mais, le dimanche, ah non, fallait ressembler aux bourgeois, fallait montrer qu'on savait "vivre"....<br /> <br /> Bon week-end à toi et bisous à Ernest...
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